L’essor des médias de masse et des réseaux sociaux a redéfini les contours de ce que nous appelons l’art, transformant notre façon d’accéder et d’interagir avec le monde artistique. Dans cet univers numérique où l’expression libre et la surabondance d’images se mêlent souvent dans un vacarme assourdissant, attirer l’attention authentique devient un véritable défi. Pourtant, au cœur de ce brouhaha digital, Jordan Watson, le commissaire d’exposition derrière Love Watts, a su se forger une voix singulière.

Je découvre une œuvre qui me touche, je la partage. Pas de suranalyse, pas de bureaucratie. Simplement, je la vois, elle me plaît, je la diffuse
Jordan Watson, alias Love Watts
Love Watts s’est imposé comme le compte Instagram incontournable pour tout ce qui touche à l’art et à la culture. La vision de Watson a transcendé la plateforme, brisant les codes traditionnels et mettant en lumière des talents méconnus. Ce qui avait commencé comme un espace dédié aux images qui captaient son regard — allant de l’art expérimental à la culture populaire — est devenu un phénomène culturel, redéfinissant notre rapport à l’art dans l’ère numérique. Son approche unique lui a valu un succès fulgurant, attirant des millions d’abonnés, dont des personnalités de renom telles que Rihanna, Gigi Hadid ou encore Dua Lipa.
Récemment, Love Watts a franchi le pas vers le monde physique avec sa première exposition à la Woodbury House de Londres, mettant à l’honneur l’artiste légendaire du graffiti KEO-XMEN. Ancré dans la scène graffiti new-yorkaise des années 1980 et célèbre pour ses collaborations avec MF DOOM, KEO a présenté 46 nouvelles œuvres dans une exposition qui rend hommage à son parcours artistique emblématique.
L’approche novatrice de Watson souligne un changement fondamental dans le monde de l’art : les plateformes numériques ne sont plus de simples compléments, mais deviennent des canaux essentiels pour la découverte et l’appréciation de l’art. Nous avons rencontré Watson pour en savoir plus sur la prochaine étape de Love Watts.
Interviewer : Bonjour Jordan, pourriez-vous vous présenter à ceux qui ne vous connaissent pas encore ? Comment avez-vous découvert l’art, qu’est-ce qui vous y a attiré, et pourquoi avez-vous créé Love Watts ?
Jordan Watson : Je viens du South Side, à Jamaica, dans le Queens, New York. Là-bas, l’art ne se limite pas aux galeries ; il est partout, dans les rues, les ruelles, éclaboussant les murs de ses couleurs. C’est dans cette énergie brute et audacieuse du graffiti et du street art new-yorkais que ma passion pour l’art est née. C’était authentique, viscéral, et cela résonnait en moi comme rien d’autre.
Le skateboard a aussi joué un rôle essentiel dans mon parcours. Ce n’était pas seulement le sport en lui-même, mais tout l’univers visuel qui l’entourait : les planches étaient de véritables toiles mobiles, chacune arborant un art unique. J’étais fasciné. C’était ma première expérience de collection et de curation, pas seulement d’art, mais de fragments d’une culture qui parlait à mon âme.
Quand Instagram est apparu, je n’ai pas plongé tête baissée comme tout le monde. Je suis de nature réservée, donc partager ma vie sur les réseaux ? Très peu pour moi. Au lieu de ça, j’ai utilisé la plateforme comme un carnet numérique, un espace pour collecter et partager les images qui captaient mon attention, des œuvres qui avaient un sens pour moi. C’est ainsi que Love Watts a vu le jour. Au départ, c’était un projet personnel, un moyen de cataloguer la créativité qui m’inspirait, que ce soit des rues de New York ou d’ailleurs. Ce n’était pas à propos de moi, mais de mettre en lumière les artistes, les créateurs, ces maîtres souvent invisibles de leur art.
Donc voilà, tout a commencé comme ça. Juste un gars du Queens, attiré par la beauté brute du street art et la narration visuelle du skateboard, essayant de capturer un morceau de ce monde et de le partager avec les autres.
Interviewer : Pouvez-vous nous parler de votre parcours personnel en tant que curateur et collectionneur ? Comment votre goût personnel a-t-il influencé la direction de Love Watts ?
Jordan Watson : Vous savez, je ne me suis jamais vraiment considéré comme quelqu’un avec du « goût ». C’était quelque chose de naturel, je ne m’en rendais même pas compte. J’ai toujours eu un œil pour les belles choses, bien sûr, mais pour moi, c’était normal. Tout le monde voit les formes et les couleurs, non ? Eh bien, pas tout à fait comme moi, apparemment. La curation, c’était aussi naturel que de respirer. Je choisissais tout – des vêtements que je portais aux autocollants que je collais sur mon casier à l’école. Ce n’était pas un métier ; c’était juste ma façon de voir le monde.
Collectionner, c’est autre chose. Ça demande des ressources, de l’argent. Au début, quand les poches étaient vides, j’utilisais ce que j’avais : ma plateforme. J’échangeais de la visibilité contre de l’art. J’avais l’impression de jouer un coup de maître, de contourner le système. Mais quand j’ai commencé à gagner un peu d’argent, j’ai pu vraiment me plonger dans la constitution d’une collection significative.
Voici mon credo : je collectionne ce que j’aime. Je ne fais pas ça pour la spéculation. Chaque œuvre que je partage, c’est parce qu’elle me parle, d’une manière ou d’une autre. Mais il y a un hic : je ne possède pas Instagram. Je dois donc jouer selon leurs règles, ce qui signifie que la version brute et non filtrée de mes passions artistiques est parfois édulcorée. C’est le prix à payer pour utiliser le terrain de jeu de quelqu’un d’autre. Mais même avec ces contraintes, je m’efforce de rester le plus authentique possible.
Interviewer : Love Watts a commencé comme une plateforme numérique en 2011 et est devenue un phénomène mondial. Pouvez-vous décrire la vision initiale de Love Watts et comment elle a évolué au cours des 12 dernières années ?
Jordan Watson : L’idée initiale derrière Love Watts était de m’essayer à cette nouvelle mode des réseaux sociaux sans étaler ma vie au grand jour. Pensez-y comme à ces conversations furtives que l’on a parfois avec des inconnus au coin de la rue. Beaucoup ressentent le besoin de dévoiler leur intimité à qui veut bien les écouter. Mais ce n’est pas mon style. Je voulais que Love Watts soit différent – un endroit où je pourrais mettre en avant l’art des autres, leurs histoires, sans braquer les projecteurs sur ma propre vie.
C’était un peu comme être un collectionneur de secrets, partager ces œuvres incroyables sans trop en dire sur moi-même. C’était le plan dès le premier jour. Aujourd’hui, l’essence de cette idée reste la même, mais il y a eu une évolution. J’ai appris à vivre de cette passion pour le partage de ce qui me touche. Je ne garde plus ces « secrets » pour moi. Je les utilise pour faire grandir un business.
Love Watts est devenu bien plus qu’un simple projet personnel. C’est maintenant une véritable entreprise médiatique, avec des collaborations de marque et tout le reste. Mais au cœur, il y a toujours cette étincelle initiale – mettre en lumière le travail extraordinaire des autres tout en gardant mon histoire personnelle pour moi.
Interviewer : Pouvez-vous nous expliquer le sens du nom « Love Watts » et des couleurs vives de son logo ?
Jordan Watson : Depuis le lycée, on m’appelle Watts. C’est un surnom que mes potes m’ont donné, un dérivé de mon nom de famille, Watson. J’ai eu droit à toutes sortes de variations – Wattso, Wattsy, vous voyez le genre. Mais « Watts » est celui qui est resté. Et « Love » ? C’est tatoué en gros sur mon ventre. L’amour, c’est un mot puissant, avec une multitude de significations selon chacun. J’ai juste combiné les deux – Love et Watts. Ça a collé tout de suite.
Pour le logo, j’ai toujours eu un faible pour les formes et les couleurs. Les designs classiques, les logos intemporels, c’est mon truc. Quand j’ai réfléchi au logo de Love Watts, je voulais quelque chose d’iconique, comme le paon de NBC. Un logo qui attire le regard, qui se fond parfaitement sur n’importe quel support. Une marque qui semble familière, même si c’est la première fois que vous la voyez. C’était l’idée. Et je suis vraiment satisfait du résultat. Ce n’est pas juste un logo, c’est une déclaration – une qui parle d’intemporalité et de reconnaissance immédiate.

Interviewer : Votre plateforme a été créditée d’avoir bouleversé et démocratisé le monde de l’art. Quelles ont été les stratégies ou décisions clés qui ont permis à Love Watts de réaliser cela ?
Jordan Watson : Le secret pour secouer le monde de l’art avec Love Watts ? C’est la constance. Une fidélité obstinée, presque entêtée, à ne pas me soucier de ce que les autres pensent des œuvres que je publie. C’est faire confiance à mon instinct, à mon goût, jour après jour. Et c’est inonder la plateforme d’autant d’art que possible, chaque jour. Vous savez ce qui est drôle ? Mon ignorance totale du monde de l’art traditionnel était en fait mon atout. Je suis arrivé comme un outsider, sans idées préconçues, sans règles à suivre. C’est pour ça que j’ai pu bousculer le système – parce que je n’avais aucune idée des conventions que j’étais en train de casser. Il y a une liberté à ne pas savoir ; ça permet de briser des règles dont on ne connaît même pas l’existence.
Interviewer : Comment Love Watts interagit-il avec les artistes confirmés et émergents, et quels critères utilisez-vous pour choisir les œuvres à mettre en avant sur votre plateforme ?
Jordan Watson : Mon approche pour entrer en contact avec les créateurs ? C’est plutôt après coup. Il y a ce vieil adage, « Il vaut mieux demander pardon que demander la permission », non ? C’est à peu près ma méthode. Je vois une œuvre qui me touche, je la partage. Pas de réflexion excessive, pas de paperasse. C’est direct, c’est simple, et ça fonctionne.

Interviewer : Selon vous, quels sont les plus grands défis auxquels le monde de l’art contemporain et de la culture est actuellement confronté, et comment Love Watts s’efforce-t-il de relever ces défis ?
Jordan Watson : Ma mission, c’est d’amener l’art dans chaque recoin de la vie, de le rendre accessible à tous. Je regarde autour de moi – certains de mes amis n’ont pas un sou, et leurs murs sont vides. Ensuite, je vois mes amis milliardaires, et devinez quoi ? Leurs murs sont tout aussi dénudés. Deux mondes totalement différents, mais les mêmes murs tristes et sans vie. C’est un problème simple, mais qui reflète un défi plus vaste.
Alors, quel est le plan avec Love Watts ? Je prépare une place de marché. Un lieu où vous n’avez pas besoin d’être un expert en art ou un amateur d’avant-garde. Les prix seront justes, et l’art ? Il sera époustouflant. Et pourquoi ? Parce que
je le dis. C’est une question de confiance. Croire que quand je dis que quelque chose est bon, ce n’est pas juste bon – ça va illuminer votre monde. C’est la promesse Love Watts.
Interviewer : Votre exposition à la Woodbury House de Londres avec le légendaire graffeur KEO-Xmen est très attendue. Pouvez-vous nous parler de cette collaboration, de l’essence de l’exposition et de ce que l’on peut s’attendre à vivre ?
Jordan Watson : KEO n’est pas juste un graffeur comme les autres. C’est un maître, une véritable légende des rues. Et plus encore, c’est un historien. Regardez son compte Instagram, c’est comme un musée vivant et vibrant des rues de New York. Le grand public associe souvent le graffiti au vandalisme, aux gangs. Mais KEO, c’est le Rembrandt de la jungle urbaine. Son travail, ce ne sont pas de simples graffitis sur des trains ; ce sont des morceaux d’histoire moderne, capturés dans des couleurs vibrantes et des lignes audacieuses.
Et maintenant, ces œuvres ne sont plus éphémères, taguées sur les côtés des wagons – ce sont des pièces tangibles, des fragments vivants d’histoire que vous pouvez accrocher dans votre salon. Vous savez, le graffiti a été ma porte d’entrée dans le monde de l’art. C’est là que ma passion pour cet univers a pris feu. Avec KEO, je veux offrir cette même expérience révélatrice à tout le monde. Mais on le fait proprement, sans vandalisme. On amène l’énergie brute et non filtrée des rues dans les quartiers les plus chics de Londres. C’est ça, l’essence de Love Watts – c’est l’art de rue, élevé et raffiné, sans perdre son tranchant. C’est la marque dans sa forme la plus pure et la plus authentique.
Interviewer : Comment pensez-vous que l’essor des plateformes numériques, comme Love Watts, affecte les espaces de galeries traditionnelles et la manière dont l’art est consommé ?
Jordan Watson : Nous surfons sur cette immense vague numérique, non ? Amazon a remplacé le centre commercial, et bientôt, des outils comme le nouvel Apple Vision Pro seront l’endroit où vous irez voir un concert de Taylor Swift ou visiter un musée. Les gens explorent le monde depuis leur canapé.
Je suis le premier à dire que rien ne vaut l’expérience de l’art en personne. Mais soyons réalistes – tout le monde ne peut pas se rendre à Paris pour une exposition ou visiter l’atelier d’un artiste au Ghana. C’est là que Love Watts entre en jeu. Nous apportons ces expériences chez vous, dans le confort de votre maison. C’est une question d’accessibilité. Vous ne pouvez pas aller dans cette galerie ? Pas de problème. Nous vous l’amenons. C’est une nouvelle façon de vivre l’art, qui s’adapte à notre monde de plus en plus digital. Love Watts, c’est ouvrir ces portes, abattre ces barrières, sans passeport ni billet d’avion.

Interviewer : Vous avez mentionné des plans d’expansion significative, incluant la création de présences internationales et le développement d’expériences numériques immersives. Pouvez-vous nous en dire plus sur ces projets et comment ils vont façonner l’avenir de Love Watts ?
Jordan Watson : Je suis à l’aube de quelque chose de grand – Watts World. Imaginez-le comme un emporium numérique, une boutique universelle pour toutes les formes d’expression artistique imaginables. On parle de peinture, de mode, d’art culinaire, de sports, de jeux vidéo, d’éducation – tout l’éventail, passé au filtre unique de Love Watts. Ce n’est pas juste une autre marque ; c’est destiné à devenir le plus grand phénomène lifestyle du monde numérique.
Mais voilà le twist – ce n’est pas seulement une expérience digitale. On va coupler ça avec des événements réels, en chair et en os, dans le monde entier. C’est une mission ambitieuse, bien sûr. Mais la vision ? Elle est limpide. Et mon équipe ? C’est la meilleure dans le domaine. Nous ne construisons pas simplement une plateforme ; nous créons un monde – le monde Watts – où le digital et le physique se rejoignent dans une symphonie d’expression artistique.
Interviewer : Quelle est votre philosophie sur le rôle de l’art et de la culture dans la société, et comment cette philosophie guide-t-elle la curation et les activités de Love Watts ?
Jordan Watson : Restons simples. L’art ? Il est partout. Il est dans le design de ces baskets que vous lacez chaque jour, dans l’illustration éclatante sur votre boîte de céréales chaque matin. L’art est ancré dans le tissu de la vie, dans chaque petite chose que nous voyons et touchons – le bon, le mauvais, et même le franchement moche. Et Love Watts ? On est là pour montrer tout ça. On partage tout – le raffiné, le rugueux, le beau, le brutal. C’est tout le spectre, toute la danse de l’art dans la vie quotidienne.
Interviewer : Enfin, que signifie l’art pour vous ?
Jordan Watson : Tout.
©2024 Jordan Watson

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