Mr. Brainwash: Pas de règles, seulement de l’art

Henry Moore, le sculpteur britannique célébré pour ses formes en bronze amples et semi-abstraites, a un jour observé : « Être artiste, c’est croire en la vie. »

C’est un sentiment qui traverse l’œuvre exubérante, presque frénétique, du street artist de Los Angeles Mr. Brainwash—né Thierry Guetta—dont la pratique brouille les frontières entre culture pop, street art et spectacle de masse.

L’ascension de Guetta est aussi improbable que fulgurante. Avant d’entrer dans le monde de l’art, il était propriétaire d’une friperie et nourrissait une obsession particulière : filmer tout ce qui l’entourait. Introduit à la scène underground du street art au début des années 2000 par son cousin, l’artiste parisien Invader, Guetta a tourné son objectif vers les figures les plus insaisissables du mouvement, amassant un vaste corpus d’images qui deviendra l’épine dorsale de Exit Through the Gift Shop, le documentaire de Banksy en 2010.

Son accès à des artistes comme Shepard Fairey et Banksy s’est rapidement transformé en quelque chose de tout autre. Encouragé par Banksy, Guetta est passé de documentariste à artiste, adoptant le pseudonyme Mr. Brainwash et développant une esthétique maximaliste, fusion entre pop warholienne et énergie brute du graffiti. Son exposition inaugurale, Life Is Beautiful, organisée à Los Angeles en juin 2008, a été un succès inattendu, avec des œuvres se vendant à des sommes à cinq chiffres—une première démonstration de sa capacité à transformer le street art en phénomène commercial et culturel.

Depuis, Mr. Brainwash évolue sans effort entre l’art contemporain et les collaborations commerciales, insufflant son langage visuel signature dans des pochettes d’albums pour Madonna, Rick Ross et Kygo. Pourtant, au-delà de son attrait populaire, il reste profondément attaché à la philanthropie, avec un fort engagement en faveur de la communauté.

Un engagement au service du bien commun

Récemment, Mr. Brainwash s’est associé au Teenage Cancer Trust, canalisant son énergie caractéristique et sa vision audacieuse dans une œuvre inédite rendant hommage à la musique et au prestigieux Royal Albert Hall. Créée en collaboration avec Clarendon Fine Art, cette pièce unique sera exposée au Royal Albert Hall lors de la série de concerts annuels du Teenage Cancer Trust en mars. La programmation mettra en vedette The Who, The Corrs, James Arthur, Micky Flanagan, GK Barry, Frank Carter ainsi que Paul Cook, Steve Jones et Glen Matlock des Sex Pistols.

Un génie ou un simple phénomène ?

Que l’on voie en lui un outsider devenu icône ou un provocateur oscillant entre art et battage médiatique, Mr. Brainwash demeure l’une des figures les plus polarisantes du street art contemporain. Son œuvre—nourrie par l’optimisme, l’ironie et une appropriation compulsive de l’iconographie pop—continue de défier les frontières du monde de l’art, laissant critiques et collectionneurs se poser la même question : est-ce du génie ou du spectacle ?

Nous avons rencontré l’artiste pour en savoir plus sur son dernier projet.

Votre travail est souvent décrit comme une fusion entre le street art et la culture pop. Comment votre voix artistique s’est-elle développée et quelles influences ont façonné votre approche créative ?

Mr. Brainwash : Vous savez, il n’existe pas de street art, de pop art ou d’art de galerie—l’art, c’est l’art. Les mots cœur et art sont presque identiques. L’essentiel, c’est d’ouvrir son cœur et de faire ce que l’on aime—avec des couleurs, des pinceaux, des bombes de peinture, ou n’importe quel outil qui permet de créer avec ses mains, même en sculptant.

L’art est une expression de liberté, un moyen de connecter les gens à quelque chose en quoi vous croyez.

Cette nouvelle œuvre pour le Teenage Cancer Trust rend hommage à la musique et au Royal Albert Hall. Comment avez-vous interprété l’esprit de ces deux éléments dans votre création ?

Mr. Brainwash : Créer quelque chose pour les adolescents… vous savez, c’est donner le meilleur de soi-même, car ils sont l’avenir. Ils représentent quelque chose que l’on ne peut pas encore pleinement voir, mais pour lequel nous devons être présents, avec foi et espoir.

Quoi qu’il en soit, l’idée était de concevoir une œuvre pleine de vie et de couleurs, une œuvre qui incarne l’espoir, qui ne renonce jamais à eux, qui croit toujours en eux, et qui devient un véritable foyer de croissance et d’inspiration.

Votre mantra, « L’art n’a pas de règles », a défini une grande partie de votre carrière. En créant cette œuvre sur mesure, avez-vous rencontré des limites ou des défis artistiques que vous vous êtes imposés ?

Mr. Brainwash : Non, je voulais garder le cœur ouvert. Tout ce qui représente quelque chose qui vous touche… c’est comme un brainwashing, vous voyez ? C’est vraiment un lavage de cerveau.

On retrouve dans cette œuvre des éléments emblématiques de Londres—le Royal Albert Hall, Banksy, le Black Cab—des choses qui marquent les esprits, qui font partie de ce conditionnement quotidien en Angleterre, qui influencent votre vision du monde jour après jour.

Mais tout cela est fait pour ouvrir les cœurs, pour rappeler que les adolescents sont extrêmement importants—on ne peut pas les oublier. Il faut leur ouvrir son cœur et ne jamais abandonner.

La philanthropie occupe une place de plus en plus importante dans votre travail, qu’il s’agisse de fresques en hommage aux victimes du 11 septembre ou de collaborations avec des associations caritatives à l’échelle mondiale. Qu’est-ce qui motive votre engagement social à travers l’art ?

Mr. Brainwash : Parce que c’est ce que je suis. Vous savez, j’ai choisi une vie d’artiste. Et ce n’est pas seulement ce que je fais—c’est ma manière de vivre.

Je vis à travers l’art, je dors avec l’art, et je me réveille avec l’art. Ma vie, c’est l’art.

Beaucoup vous ont découvert à travers Exit Through the Gift Shop. Avec le recul, comment votre relation avec le monde de l’art—et avec Banksy—a-t-elle évolué depuis ?

Mr. Brainwash : Exit Through the Gift Shop, c’était il y a longtemps, vous savez. Mais je pense que c’était un moment dans le temps qui devait exister, qui devait créer une connexion.

Ce film a ouvert les yeux de nombreuses personnes, attiré l’attention et donné de l’espoir : on peut le faire, on peut y arriver.

Pour moi, ce film n’est pas juste un documentaire—il est devenu un phénomène culte, un message qui montre aux gens qu’il y a toujours une possibilité, toujours un chemin. C’est ça, la vie : on ne sait jamais ce que chaque jour nous réserve. Mais parfois, certaines choses se produisent… et deviennent une part de l’histoire.

Vos collectionneurs incluent les Obama, Rihanna et les Beckham. Comment conciliez-vous un art recherché commercialement avec votre vision artistique personnelle ?

Mr. Brainwash : Vous savez, j’ai travaillé avec tellement de personnes, et au final, quand vous croyez en ce que vous faites et que vous restez positif, vous réalisez que vous n’avez pas besoin de chercher les bonnes rencontres—elles viennent à vous.

L’important, c’est de créer des connexions entre les gens. Et un jour, vous vous retrouvez à collaborer avec Madonna, Michael Jackson, et d’autres, et vous vous demandez : où est la limite ? Puis soudain, vous peignez avec le Pape, et vous vous reposez la question : où est la limite ?

Tout repose sur le fait de créer avec amour.

Je ne fais pas de calculs. Je suis simplement là, à essayer de donner le meilleur de moi-même, en ouvrant mon cœur, en restant positif et en travaillant dur. Il n’y a pas de secret. Tout ce que j’ai, tout ce que j’ai accompli, je l’ai travaillé. Et je continue de le travailler.

Aujourd’hui, je ressens que ce que je fais est aussi pour aider les adolescents—ils voient pourquoi je fais ce que je fais. C’est pour ça que je travaille dur. Et c’est pour ça que je continuerai à travailler toute ma vie—pour aider.

L’art reflète souvent l’époque dans laquelle nous vivons. Comment percevez-vous l’évolution du rôle du street art dans le paysage culturel et social actuel ?

Mr. Brainwash : Vous savez, l’art existe depuis l’Âge de pierre. À l’époque, ils créaient sur les murs, avec des marteaux ou même de simples pierres.

Et ça ne s’arrêtera jamais.

Quel conseil donneriez-vous aux artistes émergents qui cherchent à percer dans l’industrie ? Y a-t-il des leçons tirées de votre propre parcours que vous auriez aimé connaître plus tôt ?

Mr. Brainwash : Mon conseil ? Croyez en vous et faites-vous confiance.

Ne laissez personne vous freiner, et ne pensez pas que vous avez besoin de l’aide de quelqu’un d’autre. Faites simplement ce que vous aimez. Si vous faites ce que vous aimez, vous aimerez ce que vous faites. Et quand vous aimez ce que vous faites, le succès viendra naturellement.

Alors n’abandonnez jamais.

©2025 Mr. Brainwash